« Une tentative utopique de la Renaissance : unifier la nécessaire terminologie des techniques militaires dans un sabir latin qui fasse appel aux différentes langues européennes »
modifié le: 2011-09-28
 

Le condottiere Pietro del Monte (1457-1509), homme de métier mais aussi de “buona letteratura”, a écrit des textes précieux pour analyser les échanges entre les langues vernaculaires dans le lexique militaire européen voire méditerranéen de la Renaissance: il a cru en effet pouvoir transmettre universellement grâce au latin toute sa science de la préparation militaire, du maniement des armes et du commandement, sans exclure quelques éléments plus spécifiquement tactiques. La date de ses ouvrages militaires (1492-1509) les rend de surcroît plus particulièrement utiles à une analyse du lexique et des comportements militaires de la période du début des guerres d’Italie. Ainsi, généralement à la tête de fantassins, et destinant ses ouvrages soit à Isabelle de Castille ou au futur Charles-Quint, soit à Galeazzo Sanseverino, Pietro Del Monte ne s’est pas, ou presque pas, intéressé à l’artillerie et aux fortifications, quoiqu’il ait vu Maximilien essayer de nouveaux canons à Innsbruck.
D’origine toscane et formé dans les cours (Florence, Rome, Naples, Milan, l’Espagne, Urbino, Ferrare etc., dans un ordre incertain), condottiere pour Florence et mort pour Venise à Agnadel, lié à Ludovic Sforza, Galeazzo Sanseverino, Vinci, Castiglione (Monte est une figure du Courtisan) et autres, il a écrit entre 1492 et 1509 d’importants in-folio latins sur la formation des soldats et des princes à la guerre réelle, entrant dans le détail de tous les exercices de la préparation militaire: défilent ainsi les explications sur tous les exercices et activités qui servent d’apprentissage à la guerre (y compris lutte à mains nues, course, saut et voltige sur le cheval), sur les armes, les selles, les chevaux, et particulièrement les dispositions physiques et mentales de chacun selon les nationalités et les climats, voire sur quelques notions tactiques.
Si son ouvrage de 1492 — un brouillon initialement écrit en espagnol pour la formation de l’infant Juan d’Espagne — est traduit en latin sur l’ordre d’Isabelle de Castille par l’un des “grands chroniqueurs” des Rois catholiques (Gonzalo de Ayora), Pietro Del Monte a beaucoup lu et appris en latin, et il l’écrit lui-même, de manière dense et efficace, à partir de 1507. Son latin latinise évidemment de nombreux mots italiens, espagnols, français, allemands et autres (il indique généralement leur origine). Mais en donnant de multiples équivalences et en renouvelant par le latin leur description précise, il informe sur les armes (parfois mal connues quand elles ont été rapidement démodées) ainsi que leur maniement; il permet d’en préciser la chronologie dans une période de la Renaissance où les modifications de l’armement et des techniques ont été particulièrement rapides sur le terrain des guerres.
À l’aide de quelques exemples, nous tenterons de saisir ses intentions et les difficultés qu’il rencontre ou crée, mais aussi ses apports. Si le manque d’illustrations, auxquelles des manuels du XVe siècle (essentiellement allemands et italiens) ont habitué le chercheur, peut apparaître comme un obstacle majeur à la compréhension, nous pensons au contraire que, pour le condottiere qu’est Monte, l’intérêt essentiel du lexique technique est de faire comprendre immédiatement et efficacement les choses par les mots propres et particuliers au cours d’un apprentissage fondé sur l’usage de l’image mentale pour l’exécution de l’exercice, selon l’expérience interne du corps propre. Sur le terrain des guerres, où le condottiere essaie d’apprendre à ses soldats le moyen de gagner contre les adversaires en évitant la mort, il est encore plus nécessaire au capitaine d’avoir appris à ses soldats le moyen de mémoriser par les mots les choses et leur maniement, quand il faut se battre et risquer sa vie sur le champ. Le lexique technique est un instrument de commandement.

 

 
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