Dans ses romans, Rabelais s’impose comme le maître par excellence des jeux et manifeste toutes les possibilités de la langue française (créations de sons et syllabes, détournements grotesques de mots ou de phrases entières, inventions fantaisistes de mots nouveaux, maintien de formes archaïques etc.). Il imite différents registres de langage – docte et élevée, populaire et obscène – et mélange toutes les langues (français, grec, hébreu, latin classique, latin médiéval, latin humaniste, allemand, espagnol, anglais). L’ensemble conduit à une prolifération linguistique dans laquelle la langue n’est plus chargée de délivrer un sens, mais devient le lieu d’une fantaisie poétique, comme en témoignent les listes.
Fischart adapte le Gargantua de Rabelais en en triplant la longueur et en accentuant jeux linguistiques et jeux de mots. Son étonnante érudition se mélange sans cesse à des détournements comiques des formes du savoir. Comme Rabelais, il part de l’opposition fondamentale entre latin et vulgaire, pour défendre le vulgaire. Il fait jouer l’allemand en introduisant des formes dialectales et en l’augmentant de mots latins et grecs, ainsi que de termes issus des autres vulgaires. Il en ressort un mélange déroutant, parfois difficile à déchiffrer, de langues, de niveaux de langue, de dialectes et de sociolectes, que l’on observe au niveau de simples syllabes, de mots entiers ou d’expressions, mais aussi de passages plus longs. Fischart pousse à l’extrême les phénomènes de recouvrement et d’hybridation des différentes langues.