LA LANGUE DES MARCHANDS COMME CHAMP D'EXPéRIMENTATION DE LA LANGUE VERNACULAIRE éCRITE
modifié le: 2011-06-06
 

Il s'agit d'étudier la langue vernaculaire comme langue technique du commerce dans le domaine du droit érudit. La langue juridique était clairement le latin : latin du droit romain ou latin du droit canonique. Mais durant toute la période de la Renaissance, on observe l'introduction dans la langue juridique de mots, de concepts et de champs sémantiques issus du droit coutumier commercial, notamment dans les villes portuaires (ou « laboratoires maritimes »). Les nouveaux termes ainsi créés ne sont ni "germaniques", ni "romains", ni "canoniques" ; ils ne rentrent donc pas dans la répartition tripartite de l'histoire du droit qui est d'usage depuis le XIXe siècle (cf. Scherner 1977 et Cordes 1998). Ce processus de métissage entre le droit commun, notamment le droit romain, et le droit commercial coutumier, donne naissance à des termes comme polizza, risico, cambio, souvent relatinisés mais toujours longuement interrogés et définis dans les traités juridiques. Ces termes ne fonctionnent pas uniquement comme les marques d'un sociolecte spécialisé – une fonction importante si l'on considère la question de l'introduction des mots du droit romain dans la langue allemande des procès juridiques (Arlinghaus 2006) : ils sont également nécessaires pour importer les significations concrètes portées par ces nouveaux outils juridiques. Métissage linguistique et métissage des significations vont ensemble et suscitent l'émergence de phénomènes nouveaux. Le projet a pour objets la forme, la fonction et le développement de ces phénomènes de métissage linguistique mais aussi des habitus professionnels ; il se fonde sur les travaux récents menés sur la linguistique de contact et sur la recherche récente en histoire du droit (Görgen 2002).

Cornel Zwierlein, Ruhr-Universität, Bochum

Lille, 30 avril 2010